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Quels facteurs génétiques dans le développement de la maladie d’Alzheimer ?


Publié le Mardi 14 Janvier 2025 à 17:39

Cette question est au centre des travaux du Professeur Gaël Nicolas. Passionné de génétique, le neurologue travaille sur les maladies du cerveau, et notamment sur cette pathologie neurodégénérative qu’est la maladie d’Alzheimer. Son objectif ? Identifier des marqueurs de prédisposition qui permettront d’envisager des traitements préventifs. Rencontre.


« Neurogénéticien ». Si le terme n’existe pas officiellement, il résume pourtant parfaitement la spécialité du Pr Gaël Nicolas. Professeur des universités - praticien hospitalier (PU-PH) au CHU et à l’Université de Rouen, le chercheur combine, dans ses recherches et sa pratique, les domaines de la génétique et des neurosciences. Diplômé en neurologie en 2012 à Rouen, ce Havrais d’origine s’est sensibilisé très tôt à la génétique. « Dès mon internat, j’ai fait des stages dans le service de consultation de génétique du CHU de Rouen », se souvient l’intéressé qui, lors d’un stage de recherche, intègre l’équipe du Dr Dominique Campion, spécialisée dans la génétique, et plus particulièrement l’étude de la maladie d’Alzheimer. « Le sujet m’a passionné, et est devenu l’une des principales composantes de ma thèse de sciences », confie-t-il. Soutenues en 2015, ces travaux permettent à Gaël Nicolas d’obtenir le statut de MD-PhD, marquant sa double formation de docteur en médecine et en sciences. Loin de s’en tenir là, il complètera ce cursus en 2021 pour également devenir PU-PH.

« Le séquençage de nouvelle génération du génome, et l’explosion des connaissances sur le génome humain à partir de 2010, ont retenu toute mon attention lors de mes études. Ma présence à Rouen, auprès du Dr Dominique Campion et du Pr Didier Hannequin, tous deux experts reconnus en la matière, et auprès du Pr Thierry Frebourg, à la tête du service de génétique et de l’unité INSERM 1245, m’a permis d’être au bon endroit et au bon moment pour éveiller mon intérêt pour la neurologie et la génétique », estime le neurogénéticien, aujourd’hui directeur de l’unité INSERM 1245 de l’Université de Rouen. Spécialisée dans la génomique des cancers et des maladies neurologiques, elle fédère cinq équipes spécialisées, dont celle du Pr Gaël Nicolas : « Génomique des maladies du cerveau ».

Une recherche « comme un puzzle »

L’équipe se concentre sur trois pathologies : les calcifications cérébrales primaires, une maladie rare atteignant les micro-vaisseaux du cerveau, la maladie d’Alzheimer, et les maladies du neurodéveloppement. Dans tous les cas, son objectif est avant tout de mettre en lumière les facteurs génétiques responsables du déclenchement de la maladie chez un individu. « Bien que les calcifications cérébrales primaires aient été pour la première fois décrites en 1850, nous connaissons encore assez peu leurs mécanismes : le premier gène responsable de la maladie n’a été découvert qu’en 2012 », indique le neurologue, passionné par cette quête de compréhension.

En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, l’équipe Génomique des maladies du cerveau de l’Université de Rouen travaille à partir de cas « jeunes », c’est-à-dire des personnes ayant déclaré la maladie avant 65 ans. « Ces malades représentent 4 % des personnes atteintes d’Alzheimer, et 13 % d’entre eux ont des formes purement génétiques », indique le chercheur. Pour les autres, la recherche apporte également un éclairage indispensable, en mettant en lumière d’autres gènes impliqués dans le déclenchement de la maladie. « Ces malades-là ne souffrent pas d’une forme monogénique – purement héréditaire par le fait d’une simple mutation –, mais probablement d’une somme de mutations qui se complètent les unes les autres pour développer la maladie avant 65 ans », poursuit le généticien, comparant ici la situation avec un « puzzle où il faudrait identifier des pièces de tailles différentes ».

Jeunes ou vieux, « c’est la même maladie »

Également codirecteur du Centre national de référence malades Alzheimer jeune (CNRMAJ) du CHU de Rouen, qui réalise les analyses génétiques pour toute la France auprès des personnes concernées, le Pr Gaël Nicolas n’en est pas moins catégorique : « quelle que soit la forme, l’âge, et même les symptômes, la maladie reste fondamentalement la même ». Interrogé sur les raisons l’ayant alors poussé à concentrer ses recherches sur les patients chez qui la maladie s’est déclarée avant 65 ans, le chercheur évoque plusieurs facteurs, à commencer par « les problèmes de santé plus nombreux chez les personnes âgées, en particulier ceux liés au vieillissement des vaisseaux sanguins ».

« Même si on les maîtrise mal, on sait également qu’un certain nombre de facteurs, comme l’âge, entrent en compte dans le développement de la maladie. Dans les formes tardives, la part du facteur génétique est certainement moins importante, ce qui complexifie d’autant plus les recherches avec ces patients », ajoute le scientifique qui compte bien, à terme, « mettre à profit les découvertes pour tous les malades, quel que soit leur âge ». Car, dans les prochaines années, les travaux menés à Rouen pourraient avoir un impact réel sur la prise en charge de la maladie, et surtout sur sa prévention. En mettant en évidence les gènes responsables d’Alzheimer, l’équipe Génomique du cerveau de l’unité INSERM 1245 espère pouvoir prédire le risque de développement de cette pathologie.

Vers un traitement préventif ?

« On pourrait alors imaginer un suivi accru des biomarqueurs et, si besoin, la prise d’un traitement préventif pour les personnes susceptibles de déclencher la maladie », indique le neurogénéticien, évoquant ici la prise d’anti-amyloïdes. Autorisé dans certains pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, mais non validé à ce jour par l’Agence européenne du médicament (EMA), ce traitement « a montré peu d’effets sur des personnes déjà malades », indique le professeur, avant d’ajouter : « Néanmoins, il semble avoir un léger bénéfice dans le cadre d’une administration au début des symptômes. Ce traitement s’attaque aux peptides amyloïdes, qui interviennent dès les premiers stades de la maladie, et notamment dans sa phase asymptomatique qui, rappelons-le, peut durer entre 10 et 20 ans avant l’apparition des premiers troubles ». Et c’est bien au cours de ce laps de temps que les chercheurs comptent avoir un impact notable sur la maladie. « Avec les bons traitements préventifs, on pourrait reculer le déclenchement de la maladie d’Alzheimer », conclut, confiant, le Pr Gaël Nicolas.

> Article paru dans Ehpadia #37, édition d'octobre 2024, à lire ici 



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